Maison triplement étoilée à Valence, dans la Drôme (Retrouvez ici le précédent article sur la maison Pic ) Anne-Sophie Pic a franchi les Alpes, en 2009, pour investir les cuisines du Beau Rivage Palace (Consultez ici l'article consacré à l'hôtel Beau Rivage) et y signer une cuisine déjà récompensée par deux étoiles au guide Michelin.
A Valence, la complexité surprenante des plats , pourtant perçus comme relativement simples, à la lecture de la carte, avait été le fil conducteur du menu Collection.
Menu aujourd'hui, ancré dans nos mémoires comme l'une des expériences culinaires les plus frappantes de l'année.
Nous testerons donc au Beau Rivage, le menu Affaires, renouvelé toutes les semaines au déjeuner puis le menu Emotions, 5 plats qui permettront, une nouvelle fois, de comprendre, se laisser apprivoiser et certainement emporter par le réel talent du chef.
Si Anne-Sophie Pic ne s'est pas trompée en confiant la récente décoration de ses salles de restaurant valentinoises à Bruno Borrione, elle a investi, ici, sur les bords du Léman, un cadre absolument splendide.
Les salons intérieurs ont été revus et repensés sur une ligne chic, moderne et linéaire par l'architecte d'intérieur anglais Stuart Wilson.
La terrasse en teck, quant à elle, s'ouvre sur une vue imprenable sur le lac Léman et les jardins de l'hôtel.
Les assiettes ne sont pas encore arrivées, que l'on ne peut que se satisfaire et se réjouir de son choix.
Le restaurant offre chaque semaine une sélection de trois plats pour le déjeuner, composés selon les envies du moment et de la saison.
Le mois d'août commençait donc comme suit à Lausanne :
Le maquereau de petits bateaux
saisi sur la peau, vinaigrette tiède à l'escabèche
pommes de terre nouvelles légèrement condimentées à l'aioli
La pintade fermière
suprême rôti aux aromates et cuisse farcie
fondant et croquant de courgette de nos producteurs
confiture de citron jaune de Sicile
La pêche blanche et la lavande de Frenières sur Bex
en déclinaison crémeuse et légère
marmelade de pêche blanche
A la lecture de ce menu, on peut retrouver tout l'univers d'Anne-Sophie Pic, tant dans l'importance de l'orgine et la sélection des ingrédients, que dans l'association de la volaille avec le citron, par exemple ou encore les textures crémeuses; le choc d'un fondant et d'un craquant et toujours cette étonnante simplicité dans la rédaction des intitulés des plats, qui est, on le sait déjà, fort trompeuse.
Même dans le dressage des tables, on retrouve ici tous les codes de la maison Pic : verre en cristal de Baccarat, couteau exclusif Laguiole signé Pic, design floral minimaliste...
Le service est encore et toujours irréprochable, sans faille, précis jusque dans le langage ( ce qui est loin d'être une constante même chez les plus Grands).
Le maquereau ouvre la marche et arrive fièrement, prêt à défier les autres poissons que l'on voudrait plus nobles et proposés par ailleurs sur la carte.Mais il n'est pas seul, ce maquereau, il a une alliée de choix.
Cuisson impeccable, peau craquante, chair fondante.
Belle idée que de venir le titiller avec ces pointes d'acidité amenées par l'escabèche, mais c'est l'onctuosité de l'aioli, associé aux pommes de terre, qui viendra clore et rendre ce plat riche, flatteur et puissamment aimable.
Peu de restaurateurs étoilés travaillent ces poissons qu'on préfère bien souvent mettre en boîte.
A Valence, Anne-Sophie traite cet été la sardine, à Lausanne, le maquereau. Deux poissons que l'on redécouvre et qui, au final, ainsi transcendés, n'ont rien à envier à une sole ou un turbot.
La volaille suit, présentée comme venant des Landes et labelisée : toujours cette relative attention pour les produits authentiques et de qualité.
On avait apprécié pour le menu Collection "français", l'association de la volaille de Bresse à une marmelade de citron de Menton. Ici, on retrouve cette confrontation agrume/volaille qui fonctionne à merveille, avec un citron originaire cette fois-ci de Sicile, et présenté confituré.
Et la magie continue :...pintade ultra moelleuse (qui l'eut cru ?), très certainement due à une cuisson basse température... et c'est là encore, l'acidulé du citron qui réveille à la fois le plat et cette association croquant/fondant des courgettes. L'été est bien là, à Lausanne et dans l'assiette...
Pour finir, une pêche, compotée, d'un fruité bien présent, ravivé par le côté réconfortant d'une coque en chocolat blanc.
Visuellement, c'est d'une pureté tout simplement angélique.
3 plats pour lesquels on ne peut qu'applaudir.
Et on se prend intimement à rêver que la signature d'un prochain contrat puisse se faire sur cette terrasse avec un menu Affaires signé Pic.
Pour le dîner, débutez la soirée dans le salon attenant à la salle de restaurant, et laissez vous tenter pour une fois par des vins du terroir suisse : un liquoreux, comme un Hermittage, ou tout simplement, pour suivre les conseils du directeur de salle, un Sauvignon de chez H. Valloton 2008, qui s'inscrit dans une belle fraîcheur, idéale pour commencer un repas.
En aparté, on ne connait que trop peu les vins suisses, puisqu'à la différence des autres vins du monde, leur production ne favorise pas l' exportation, mais l'expérience peut s'avérer intéressante.
L'idéal serait d'ailleurs, face au Léman, d' accompagner l'ensemble du repas par des vins suisses, comme cela avait été fait et proposé à Valence, avec des vins de la région du Rhône comme ce fameux Condrieu Chiery Niero 2008 et un Côte Rôtie pour les fromages.
Afin de pouvoir découvrir une palette plus vaste du travail d'Anne-Sophie Pic, et apprécier d'autres plats proposés à la fois sur la carte française et suisse, la première entrée ainsi que le dessert ont été modifiés.
Vous pourrez apprécier ci après le déroulé du menu Emotions :
Les cuisses de grenouille de Vallorbe
cuisses de grenouilles meunières
caviar d'aubergine blanche de Florence
beurre monté au citron et bourgeon de sapin
Les langoustines bretonnes
cuisinées aux fèves de pays
mousse de lait d'amande fraîche au thé blanc et jasmin
Le rouget barbet
en cuisson douce
gnocchi moelleux, vierge de légumes au jus d'arrêtes préssées
L'agneau de Sisteron
selle rôtie au poêlon
oignons nouveaux compotés à la verveine fraîche
coulant de brousse de brebis, olives noires
Les fromages frais et affinés
L'abricot bergeron du Valais et le thym citron
compotée d'abricots légèrement sucré
crémeux et mousseux au thym citron, croquant de chocolat blanc
Pour accompagner les poissons : Viognier de chez H. Cruchon, 2008
Pour accompagner l'agneau : Syrah de chez B. Cave, 2007
Pour la fin de repas : Petite Arvine, mi flétrie de chez S. Bettschen, 2008
A la lecture de ce menu Emotions, vous devriez être désormais capable de décoder intuitivement tous les éléments majeurs qui composent l'univers culinaire d'Anne-Sophie Pic.
L'origine des produits tout d'abord, si possible en accord avec le terroir local : les grenouilles de Vallorbe, aux confins du Jura français, l'abricot valaisan; ou bien gage d'une grande qualité comme ici la Bretagne pour les langoustines, le sud de la France pour l'agneau ou encore la ville de Florence pour l'aubergine.
Puis l'alliance des saveurs : l'olive noire en réponse à l'oignon doux, le citron face à l'aubergine, l'abricot en résonance avec le le thym citron
Le jeu des textures : la mousse d'amande fraîche, le coulant de brousse de brebis (qui pourrait faire écho au coulant de parmesan de cette tarte aux légumes croquants et à la truffe de la carte de Valence)
Et cette trilogie : fruit, fleur et thé, que l'on avait déjà goûtée en dessert au bistrot le 7 par Anne-Sophie Pic à Valence, (Retrouvez en cliquant ici l'article sur la Maison Pic)
Et pour finir cette technique de cuisson si particulière, lente ou douce qui permet de garder à la fois le moelleux et la saveur des poissons volaille ou agneau.
L'ensemble du menu est évidemment d'un très grand niveau, nul n'est donc besoin de décrire chaque plat, je vous invite plutôt à faire l'expérience par vous même pour retrouver ce jeu de saveurs et de textures. Et si il ne fallait retenir qu'un seul plat, les langoustines gagneraient d'un léger avantage. D'une cuisson irréprochable, le charnu iodé des langoustines est magnifié par cette première touche mousseuse d'amande fraîche; dont on ressent pleinement le parfum voire, et c'est assez impressionnant, le croquant du fruit, légèrement et habilement contrebalancé par le thé blanc, et sa subtilité attendue.
La puissance et la signature du plat sont bien évidemment rendues par le jasmin qui reste en bouche : une force aromatique persistante, qui rend un vibrant hommage à l'intitulé du menu : Emotions !
Le goût du jasmin est présent assez longtemps, mais on voudrait presque que ce moment s'éternise. Un plat d'une vraie composition, sur la légèreté, la sensibilité et une note féminine prononcée.
On applaudit, à croire qu'on ne fait que ça en dînant chez Anne-Sophie Pic.
Mais que dire d'autre, face à un travail aussi millimétré et sensible, que l'on soit d'un côté ou de l'autre des Alpes ?
Les conseils du sommelier, Tony Decarpentrie, vous seront précieux.Chaque vin est présenté avec un rapide historique et l' analyse de la composition aromatique est synthétique et claire.
Sans être spécialiste, vous comprendrez aisément ce que vous aurez l'occasion de boire en accompagnement des plats.
La cave comporte près de 600 références, et plus de 70 000 bouteilles, il serait donc dommage de ne pas apprécier ne serait ce qu'un verre le soir de votre passage.
Pour accompagner l'abricot valaisan, la Petite Arvine mi flétrie de chez S. Bettschen révèle des forts arômes de rhubarbe qui s'accordent pleinement avec le sucre très présent dans le fruit de ce dessert et les petites touches de chocolat blanc qui le ponctuent.
Revenons, pour finir, sur la qualité de l'accueil, rondement mené par le directeur de salle, Florian Michelard et son équipe, qui sauront eux aussi donner à votre repas des allures inoubliables.
Là encore, suivez ses conseils et n'hésitez pas à faire part de vos envies, on s'efforcera d'y répondre avec justesse.
On retrouve dans le travail du personnel de salle, le même professionnalisme et la même chaleur que nous avions ressenti à Valence...
Si nous vous parlions en préambule du travail d'Anne-Sophie Pic comme d'un univers. Les faits,sans conteste, confirment cette impression de maîtrise totale, de l'assiette d'une part, et de tout ce qui l'accompagne d'autre part.
Cuisine & Vins / Menu Collection : 9.5/10
Cadre/ architecte d'intérieur Stuart Wilson: : 5/5
Service : 5/5
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NOTE GENERALE & avis personnel
19.5/20
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Un demi point en plus, par rapport à la table de Valence, justifié par l'impressionnante vue sur le Léman, cadre absolument magique pour une cuisine qui l'est tout autant,ainsi que pour la justesse et la précision du service. Les deux combinés méritent par conséquent ce petit plus.
Nous abordions précédemment la question du langage et des formulations, à Lausanne, on ne dessert pas une assiette avec la traditionnelle et horrible formule du "Ca vous a plu ?" (que par chance, nous n'avions pas non plus entendu à Valence), mais par un très élégant "Avez vous apprécié ?", bien plus plus en accord avec le raffinement de l'établissement.
Et si la transition entre le quatrième plat et le fromage peut sembler un peu plus longue, on dédramatisera avec une formule adéquate en prenant en compte si besoin d'éventuelles attentes.
L'assiette d'Anne-Sophie Pic au Beau Rivage, s'affiche, et ça, c'est indéniable, au même niveau que le restaurant de Valence.
Le guide Michelin, on l'espère, devrait prochainement la récompenser d'une étoile supplémentaire.
En espérant vivement que ces 6 futures étoiles, puissent encourager cette chef à avoir d'autres tables ambassadrices en France, ou à travers l'Europe...voire au delà, puisque le talent franchit aisément les frontières, la table du Beau Rivage en serait le plus fidèle exemple.
Un seul mot : Merci Anne-Sophie !
Photo reproduite avec l'aimable autorisation de Madame Anne-Sophie Pic & Monsieur David Sinapian
Anne-sophie Pic @ Jeff Nalin
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